En lien avec l’illustration originale Basquiat par notre artiste Romain Dorez
Je suis né le 22 décembre 1960 à Brooklyn. D’un père haïtien, d’une mère portoricaine, et d’une ville qui ne dort jamais vraiment.
Très tôt, j’ai commencé à écrire sur les murs.
Je ne suis pas vraiment devenu artiste. Je faisais des graffitis comme d’autres balancent des vérités qu’on ne veut pas entendre. Je rencontre Keith Haring sur les murs.
Trop noir pour les galeries, trop libre pour les étiquettes, trop vivant pour le silence. J’ai griffonné la ville avec ma douleur et ma colère. SAMO, c’était mon fantôme, mon alter ego. Une poésie sale jetée à la face des passants.
« © SAMO as an end to mindwash religion, nowhere politics and bogus philosophy. «
La couleur pour dépeindre la société
Je n’ai jamais peint pour décorer. J’ai peint pour déranger. Pour dire ce que les musées taisaient. Des couronnes, des crânes, des mots barrés, des saints noirs, des rois oubliés, des boxeurs cassés. Mes toiles étaient des cris d’enfants abandonnés dans un monde d’adultes cyniques.
Annina Nosei ou encore Larry Gagosian m’exposent dans leurs galeries.
La revue Artforum me surnomme « the radiant child. »
« Most young kings get their heads cut off.«
Je savais que ma gloire serait courte. Mais je voulais qu’elle cogne. Qu’elle blesse. Qu’on se souvienne.
On me disait prodige. Mais non, ce n’était pas un miracle, c’était ma façon de parler.
Une civilisation qui n’écoute pas
Ils m’ont exposé comme une curiosité.
« Le petit génie noir de la peinture contemporaine. »
Un objet. Un totem exotique. Je souriais, mais à l’intérieur, je me battais contre chaque cliché, chaque regard condescendant, chaque question qui trahissait l’ignorance.
Warhol, lui, m’a vu, dans mon authenticité. Nous avons collaboré à quatre mains d’égal à égal. Il n’a pas toujours compris ce que je faisais, mais il respectait le feu que j’avais dans les veines. C’était un frère silencieux.
Et puis, il se retire en 1987. Et avec lui, une partie de ma lumière s’éteint doucement.
L’addiction comme échappatoire
J’ai brûlé la vie trop vite. Trop fort. L’héroïne m’a tendu la main là où personne ne voulait vraiment me retenir. On m’aimait pour ce que je représentais, rarement pour qui j’étais. Trop de projecteurs, pas assez d’écoute.
J’étais fatigué avant même d’avoir eu le temps de vivre.
Le 12 août 1988, j’avais 27 ans. J’ai rejoint ceux que le monde ne sait pas garder. Jimmy, Janis, Kurt, Amy. Le Club. Je suis parti avec encore tant à dire.
Mais qui écoute, vraiment, ce que formule la peinture ?
Le souffle brut et écorché
Il reste mes œuvres, écorchées, denses, pleines de fautes volontaires et de « génie » brut.
Il reste mes mots barrés, mes rois noirs, mes anges déchus.
Il reste ce souffle dans les galeries : un peu de sang, un peu de jazz, beaucoup de colère.
Je suis Jean-Michel Basquiat. Un poète qui peignait debout. Un enfant sans défense dans un monde trop blanc. Un roi couronné d’encre et de bruit.
Et même si j’ai vécu comme une comète, sachez-le :
« I am not a black artist, I am an artist. »
Et, cela change tout.
Laisser un commentaire